Lázaro Saavedra

CU

Né en 1964 à La Havane (Cuba)
Vit et travaille à La Havane (Cuba)

Relación profesional, 2008, Vidéo 0'44"

Lázaro Saavedra (né en 1964), est l’un des rares artistes cubains de sa génération à ne pas avoir immigré aux USA sans pour autant avoir abandonné la dimension critique dans son travail, à l’instar de l’une de ses oeuvres emblématiques, le Detector de ideologías qui jauge l’opinion politique de la personne testée. Pouvant rendre des verdicts (Compatible, Problématique, Contre-révolutionnaire ou Hérétique), le Detector de ideologías constitue à lui seul une révolution audacieuse de l’art et du commentaire politique cubains. Le travail de Saavedra, mêlant humour et poésie, se traduit sous des formes diverses, du dessin à la sculpture en passant par la vidéo et les installations in situ. Car son approche est avant tout conceptuelle : « J’ai l’habitude de construire mes oeuvres de l’intérieur vers l’extérieur. Qu’est-ce que cela veut dire ? J’essaie de travailler sur l’idée, d’y réfléchir et ensuite de trouver quelle serait la meilleure façon de l’exprimer. En général, peu importe que ça finisse par un dessin, une installation ou une peinture ; ainsi mon travail est plutôt varié, au sens morphologique ». Deux séries sont particulièrement représentatives de cet esprit et de la capacité d’adaptation de l’artiste à la réalité sociale et économique de son pays. Dans les années 80, alors qu’il est encore un jeune plasticien, Saavedra réalise une série d’oeuvres sur papier, de petits dessins à l’humour souvent potache, parfois grinçant, où se déploie pour la première fois l’un de ses personnages récurrents, un « bonhomme » aux grands yeux qu’il met en scène alternant collages, gouache et encre. Cette série est présentée par l’artiste pour sa thèse de l’ISA (Instituto Superior de Arte de La Havane) en 1988. Il ne peut récupérer les oeuvres que vingt-sept ans plus tard, et réintitule alors ce corpus Añejo 27, du nom que l’on donne aux Rhums vieux pour indiquer leur temps d’âge, publie un catalogue les reproduisant de façon exhaustive et les intègre depuis dans ses expositions. Durant la Période Spéciale des années 90, après la chute du bloc soviétique, Cuba se retrouve commercialement totalement isolée ce qui provoque une crise économique massive qui frappe violemment l’ensemble de la population au quotidien- Saavedra produit une exposition qui, bien que muette, se veut une satire féroce: Sponsor. « Je feuilletais un catalogue d’art allemand et tout à coup j’ai réalisé que la moitié des pages semblaient avoir été envahies de publicités. J’ai demandé de quoi il retournait et quelqu’un m’a répondu qu’il s’agissait des sociétés qui avaient financé l’exposition, le catalogue, etc. J’ai alors eu l’idée de trouver plusieurs sociétés pour devenir les mécènes de mon exposition. Et qu’est-ce que j’allais peindre ? J’allais peindre les logos de ces sociétés, et j’allais le faire dans le paradigme du grand art : de l’huile sur toile. Ainsi, le catalogue fonctionnerait lui-même comme une oeuvre. De fait, lorsqu’une exposition s’achève, ce qui reste c’est le catalogue, qui devient une exposition virtuelle; j’étais intéressé par le fait de déplacer cette idée : 500 exemplaires du livre sont sortis en édition limitée. Je déplaçais les logos : ils n’étaient pas relégués à la fin du catalogue, ils devenaient les protagonistes même du catalogue ». Esthétiquement, l’exposition évoque évidemment les grandes heures du Pop Art -« Quelque chose de banal entre dans la catégorie du super esthétisme »- observe Saavedra. Le contraste avec la réalité politique cubaine de cette époque ne fait qu’ajouter à l’ironie du projet. Bien qu’il soit l’un des artistes contemporains les plus connus à Cuba (il a reçu en 2014 le Premio Nacional, la plus haute distinction artistique cubaine), le caractère contestataire de Lázaro Saavedra a certainement freiné la diffusion de son oeuvre à l’international. En effet, malgré sa participation aux grandes Biennales (comme celles de Venise ou de São Paulo) et sa présence dans des collections étrangères prestigieuses, son travail est encore trop largement méconnu en Europe. La vidéo Relación profesional de 2008 en est une illustration efficace et drolatique, l’artiste se moquant lui même de la « pauvreté » de sa biographie tout en démontrant avec pertinence sa compréhension des mécanismes qui régissent une grande part du monde de l’Art.


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