Martin Kersels

14.03.2014
Martin Kersels — Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois

Portrait de Martin Kersels

J’ai l’impression que depuis 1995, nous avons toujours été en conversation l’un avec l’autre. Penses-tu que cette relation apparaît dans les œuvres de l’exposition ?

Notre relation se constitue surtout de rencontres, de discussions et d’opportunités nouvelles pour le travail. En travaillant avec la galerie, j’ai pu faire des choses que je n’aurais jamais pu réaliser autrement : rouler en Vespa à travers Cahors, le « Nid » (Nest) au Centre Pompidou, le Fat Man au Jeu de Paume… Ce fut des opportunités non seulement de montrer ces œuvres, mais aussi de créer des pièces qui interagissent avec un espace particulier. Faire une exposition en galerie est un peu différent. Parfois on a du mal à trouver le bon équilibre entre les œuvres, les objets, et les grandes pièces, qu’elles soient à vendre ou non. Cette exposition montre un équilibre intéressant entre les objets, les sculptures, et les photos. Le mur pivotant sur lui-même est cet objet qui permet aux sculptures de devenir des performances elles-mêmes. Et j’ai l’impression que ce mur a trouvé un point d’équilibre entre la nature intrinsèque d’une galerie (comme espace commercial), et le fait que c’est aussi un endroit où naissent des idées, où une nouvelle façon de voir les choses peut exister. Lorsque je préparais cette exposition, j’ai pensé spécifiquement à cet espace. C’est ma cinquième exposition personnelle ici, quelle longue relation artistique !

Il y a toujours quelque chose autour du corps dans ton travail, mais cette exposition est certainement la plus sculpturale que tu aies jamais faite. Les chaises montrent une incroyable superposition de matériaux mais elles restent tout de même de vraies chaises, des objets « fonctionnels ».

En réalité, j’aime l’art « utile », qui ne s’accroche pas forcément sur un mur ou dans une vitrine, mais plutôt celui qui peut paraître ordinaire sans l’être du tout, à la fois familier et étranger, celui dont on ne comprend pas forcément l’architecture. L’impression n’est pas du tout celle du confort, mais lorsque l’on s’assied, tout s’unifie. Cela peut sembler chaotique, mais nos sensations permettent d’unifier l’objet…
Pour Hercules et les chaises Thrones, l’élément corporel, l’évocation de mon corps ou de son absence, est présent. Les autres oeuvres sont de véritables objets. Le fait qu’ils soient indépendants de mon corps m’intéresse. Avec le mur pivotant, je voulais que ces objets, où je n’apparais pas, se transforment en vrais « performers » sur une scène géante. Posté devant le mur qui tourne, ces sculptures nous sont révélées soudainement comme les personnages d’une pièce de théâtre. Ils disparaissent et en regardant de l’autre côté de la scène, on y voit Zeus, puis _Orpheus_… J’ai toujours été intéressé par l’activation et par l’utilisation de sculptures en performance, et je pense que le mur a fait de ces objets de vrais « performers » d’une scène.

L’esprit de tes photos en noir et blanc semble différent de l’image du « performer » que nous connaissons bien. On a l’impression que tu te caches, et en même temps elles sont très intimistes…

Les premières photos de la série Falling étaient en noir et blanc, puis j’ai commencé à faire des images en couleur comme Tossing a Friend, la série Whirling_… Quand j’ai réalisé la série Fat Iggy, je voulais me rapprocher de l’objet. Mais _Fat Iggy me présentait aussi et encore en tant que performer. J’ai décidé ensuite d’apparaitre, non pas au travers de la performance, mais plutôt dans un cadre intimiste. C’était assez effrayant au départ pour moi : mon corps ressemble trop à un Rubens, et n’est pas en adéquation avec l’esthétique modernee de notre monde écolo. Je crois que j’utilise trop de CO2 !
Je voulais être intimiste mais aussi un peu effrayant et pathétique. Les paillettes argentées sur mon corps me rappellent les étoiles, j’ai pensé aux constellations. Toutes nos constellations trouvent leur nom dans la mythologie grecque, le ciel au dessus de la Terre, à laquelle appartient notre corps.

Il semblerait que dans cette exposition, tu es plus spectateur qu’autre chose…

Je crois que très tôt, quand je préparais des expositions, je voulais me surprendre. Je n’attachais pas d’importance au fait de savoir si mon travail trouvait sa place dans le monde de l’art. Mais au fil des années, un certain calcul stratégique apparait. Je dois sans doute honorer « l’image Kersels », sur laquelle je n’ai en fait aucune idée précise. Pour cette exposition, je voulais à nouveau me surprendre et aussi par là même aussi surprendre le visiteur. Je me sens plus libre, j’utilise l’énergie de mon esprit et de mes émotions pour créer mes œuvres. J’ai commencé à réfléchir sur mon travail comme les chaises, non comme des « assemblages » ou du « bricolage », mais plutôt comme une manière de l’improvisation au théâtre. En improvisation souvent, on vous donne deux ou trois éléments avec lesquels vous devez composer et improviser. Vous pouvez composer de cent manières différentes, mais je voulais être dans le moment présent aussi avec l’objet, être surpris et m’amuser. Les œuvres que j’aime le plus sont souvent celle que le public préfère.


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