David R. Conroy

14.04.2012
David R. Conroy — Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois

L’homme qui voulait savoir
14.04.2012 — 15.05.2012

Pourquoi as-tu choisi ce titre en français « L’homme qui voulait savoir » pour ton exposition dans le Project Room à la galerie ?

“L’Homme qui voulait savoir” est le titre d’un film franco hollandais. L’affiche originale de ce film est accrochée partiellement cachée, sur un mur de l’exposition. Au départ j’avais envie d’intituler l’exposition “The Vanishing”, qui est le titre du film en anglais. Je cherche souvent à disparaître de mon travail, en tant qu’artiste « la disparition » m’intéresse, cette idée de ne laisser aucune trace de mes propres mains. L’ironie est de n’avoir pas pu intituler l’exposition comme je le souhaitais car la traduction littérale « la disparition » n’existait pas, même « la disparition » avait disparu ! « L’Homme qui voulait savoir » fonctionne tout aussi bien ; pour cette exposition il y a beaucoup de choses que je voulais essayer de comprendre notamment ma relation à Internet, à la technologie, au style, à l’apparence…

Il semble que l’appropriation soit importante dans ton travail, la manière dont tu t’es approprié le titre du film, mais aussi les éléments que tu as utilisé dans l’installation: les images prises à partir de blogs, les photographies de mobilier et les meubles eux-mêmes…

La question de l’appropriation m’intéresse en ce sens qu’une grande partie de l’appropriation contemporaine devient juste de la consommation, du « shopping » réellement. Ce procédé peut me procurer du plaisir, mais je ressens une réelle ambivalence vis à vis de ce plaisir et suis incommodé par rapport au processus en général. Il y a une relation étrange entre la production et l’action de trouver, soit de décider la chose, se lancer à sa recherche et l’obtenir. « Trouver » fait alors parti d’un dialogue d’appropriation et cette même appropriation devient un motif artistique. Après Duchamp, Richard Prince, Haim Steinbach et d’autres, il semble qu’à bien des égards ces artistes ont déjà fait tout ce qui était possible de faire en terme d’appropriation. Toutefois, comme je suis mal à l’aise avec la production, autrement dit à la visibilité d’une trace de mes mains, l’appropriation en tant que procédé de travail reste ce qui m’intéresse vraiment. Celle-ci se rapporte à la disparition, mais le procédé reste personnalisé et apparaît comme un vrai geste créatif : essayer de trouver la chose juste, rechercher les détails, repérer les retards …. C’est ce que je traque puis j’essaye de présenter ou représenter ces moments.

Y a t-il certaines règles ou techniques que tu utilises dans cette recherche pour ton travail ?

Je suppose que de ce processus se base sur le hasard. Par exemple, la « Documentary » sculpture- Les images d’empilement de meubles que j’ai choisi quand je cherchais des objets pour créer une sculpture- est en fait une recherche sur le potentiel même d’un objet ; le potentiel de s’accorder avec d’autres objets et, en même temps, d’être un exemple en tant que tel de son type. La sculpture que j’ai assemblé est presque un développement ou une version plus nette que ce que j’ai pu voir aux marché des puces. Les photos que l’on aperçoit sur l’écran de l’ordinateur documentent le procédé initial, la recherche… Mais elles finissent aussi par faire partie de la sculpture elle-même.

Tu joues souvent avec le potentiel que possède une chose pour en devenir une autre; dans le Project Room, tu as utilisé tous les différents potentiels de l’architecture…

La relation espace intérieur/extérieur est très importante pour moi, il est intéressant de rendre public ce qui est privé et vice versa. La cloison dans l’espace est constituée de trois éléments du type de ceux utilisés dans le théâtre pour créer une division entre les coulisses et scène. Dans l’installation, j’ai voulu faire quelque chose similaire, ainsi dans le premier espace
vous pouvez avoir l’impression d’être dans l’espace de la galerie mais quand vous vous retrouvez de l’autre coté de la cloison, vous n’êtes plus sur de savoir si vous êtes à l’intérieur ou à l’extérieur… Les idées de dedans/dehors, vrai/faux, original/falsifié sont très importantes dans l’exposition.
Le tissu africain utilisé dans le petit espace a été choisi en raison de l’intérêt de son histoire :
à l’origine, le tissu est une copie hollandaise d’un batik indonésien en soie, donc essentiellement faux, mais ses couleurs vives et son faible prix l’on rendu très populaire en Afrique de l’Ouest. Ce qui est amusant c’est que la chine fabrique aujourd’hui des fausses versions du tissu hollandais en en faisant donc « un « faux de faux »

Le dialogue semble important dans ton travail, dans la vidéo “It’s not the future…” tu parles de tes relations avec internet, ne serait-ce pas une façon d’apparaître en tant qu’artiste dans l’exposition ?

L’enregistrement dans la vidéo est un monologue à propos de mon rapport avec Internet. C’est assez personnel, presque même confessionnel, pour qu’il soit compris pendant l’exposition, il a fallu le faire traduire, j’ai demandé à un comédien de le lire à voix haute en imitant mon propre accent, ainsi j’espère créer une confusion sur la personne qui lit et pourquoi en opposition avec un simple monologue. Je souhaite donner autant de pistes que possibles vers mon travail ce que l’enregistrement devrait apporter, mais de la même façon, je souhaite rester distant et disparaître en tant qu’artiste.
Faire une exposition en France, où je ne peux pas parler la langue, ne me permettait pas, comme je le fais souvent, d’utiliser ma « voix naturelle »
comme dispositif, l’occasion était intéressante d’utiliser cet handicap et de le pousser dans un sens que je n’avais jamais encore expérimenté jusque là en utilisant un acteur et un script. Ceci m’a paru très naturel vu mon intérêt pour la disparition, chercher à ne pas être là ou toujours désigner quelque chose d’autre, tout en cherchant à dissimuler la main qui le pointe.
Avec le monologue « It’s not the future » j’ai donc réalisé une œuvre que personnellement je ne comprends pas, sur laquelle je ne peux pas vraiment avoir de jugement sur mon propre texte, peut-être ceci finit par exprimer la distance entre l’extérieur et l’intérieur, ou l’impossibilité de vraiment se comprendre soi-même.


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