Henrique Oliveira

09.09.2011
Henrique Oliveira — Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois

Portrait d’Henrique Oliveira

Quelle a été ton approche pour cette exposition ? Tous les travaux que tu as choisi d’exposer sont récents, n’est-ce pas ?

Oui, ce sont tous des travaux récents. Comme il s’agissait de ma première exposition personnelle en France, j’ai voulu montrer mon travail dans sa diversité. Il s’agit donc d’une combinaison de tableaux, de sculptures et d’installations.

Quels sont les liens entre tes oeuvres ?

Je ne pense pas que mes oeuvres doivent nécessairement avoir un lien, mais elles ont beaucoup de points communs. On trouve un même sens du mouvement dans chaque catégorie d’oeuvres. Dans mes tableaux, je travaille sur les mouvements liquides, les couleurs et la matérialité de la peinture et comment ces masses se mélangent les unes aux autres. Quand je travaille sur les sculptures, d’une certaine façon, je manipule cette viscuosité, cette matière liquide et je la solidifie dans la sculpture. C’est une même recherche qui vise à créer une image qui combine deux états de matières différentes, le solide et le liquide. Donc, même si les sculptures sont en bois, elles bougent de la même manière que les tableaux. J’ai l’impression que ma pratique de la peinture m’aide à trouver un sens à mes sculptures et mes installations. D’un autre côté, travailler sur des constructions en bois m’aide à clarifier la façon dont mes tableaux sont faits, à partir d’une accumulation de couches de peinture à la surface qui rappelle la technique du collage.

Dans quelle mesure tes installations sont liées à l’architecture ?

Sur les chantiers, on utilise beaucoup le contreplaqué. Au Brésil, cela fait même partie du paysage, c’est une situation à laquelle la plupart des gens ne prêtent pas attention. Cela m’a intéressé lorsque je réfléchissais aux idées de surfaces et de textures d’un point de vue pictural.
Au début de mon travail, les installations étaient conçues en réponse directe à l’architecture et à mes recherches sur le collage et l’assemblage. A ce moment là, cette pratique était en rupture avec le côté plus organique de mes tableaux. Au fur et à mesure que je mettais au point une technique me permettant de mettre en place des projets plus complexes, mes installations se sont alors rapprochées de cette sensation organique.
Mes premières installations constituées de bois de récupération étaient différentes de mes travaux récents d’un point de vue pictural. Leurs surfaces étaient planes, le bois, plus épais, jouait le rôle de la peinture, et non la forme de l’installation elle-même. Mon travail a évolué vers l’architecture comme le seul espace encore à investir. En prenant appui sur les creux des murs, les fissures entre les portes et les pliures autour des piliers. Les pliures du bois m’ont permis de créer des oeuvres plus circulaires. J’ai donc commencé à exploiter de plus en plus ces qualités particulières, pelant les morceaux de bois et les travaillant en association avec des tubes de PVC et des planches courbes.
Mes installations ont commencé à se dissocier de l’architecture, évoquant davantage des murs vivants, faits de chair, de peaux abîmées ou encore de grandes peintures « impasto ». C’est cette évolution qui a rendu possible la création de sculptures mobiles.

Xilempastro 3, cette sculpture accrochée au mur, semble se différencier des autres pièces, s’agit-il d’une nouvelle direction dans ton travail ?

Non, pas véritablement. Mes installations se développent selon au moins deux directions principales, l’une que j’appellerais « organique », dont les pièces Boxoplasmose et Desnatureza sont représentatives. Je les nomme ainsi pour les différencier des autres installations que je qualifie de « picturale », qui sont plus directement reliées à l’idée de peinture et d’« impasto ». Ce serait comme regarder de près l’épaisseur de la peinture et apercevoir un paysage.
Mes oeuvres intitulées Xilempastro parlent de peinture, ce sont des corps hybrides, entre deux genres. Elles sont issues d’un procédé que j’ai spécialement mis au point, par superposition de strates de bois recouvrant une structure informe et visqueuse. J’aime cette idée contradictoire de donner forme à quelque chose à partir d’un modèle lui-même informe. L’« impasto » est une matière amorphe, une dimension très abstraite de la peinture que je prends pour modèle.

Qu’est-ce que cela signifie pour toi d’être un artiste brésilien aujourd’hui ?

Cela ne signifie pas beaucoup de choses pour moi, mais le marché est très attaché à ces étiquettes. J’essaie simplement de faire mon travail. Les choses sont en train d’évoluer, de plus en plus d’artistes brésiliens exposent à l’étranger, jusqu’ici nous étions relativement isolés.
Nous nous basons tous sur les expériences que nous vivons et d’où nous venons. Je ne peux pas nier le fait que mes expériences personnelles se retrouvent dans mon travail. Par exemple, peu de personnes ont l’occasion de voir grandir de très grands arbres et l’associent à la forêt tropicale, comme les environnements sauvages dans lesquels j’ai grandi. Je crée forcément à partir de cela. Les matériaux que j’utilise dans mes pièces en trois dimensions entretiennent bien sûr des liens avec les bidonvilles qui font véritablement partie du paysage urbain au Brésil. Beaucoup des titres de mes oeuvres s’en inspirent. Par exemple, au début, j’avais intitulé la plupart de mes oeuvres Tapumes. Cela vient d’un mot portugais qui désigne les palissades de bois que l’on trouve sur les chantiers au Brésil. Ce bois est souvent en contreplaqué car c’est un matériau peu onéreux mais fragile. Ces palissades se désagrègent en l’espace de quelques mois, prenant alors une couleur particulière d’usure. C’est quelque chose que l’on ne trouve pas aussi fréquemment dans les pays riches.
Dans les Xilempastos, je travaille à partir de cette même idée pour réaliser des oeuvres monumentales à partir de matériaux très pauvres et précaires. Dans un pays qui n’a pas véritablement de tradition picturale, cette contradiction pose la question de la place qu’occupe la peinture.
Dans Desnatureza, je travaille davantage autour de la nature du matériau lui-même : le bois industrialisé, utilisé puis jeté. De retour à son état d’origine, il nous renvoie l’image d’une nature plus puissante que notre civilisation. Comme Frankenstein, rendu vivant à l’aide d’éléments morts de corps humains, je pense à un arbre recréé à partir de morceaux de bois morts. Nous cherchons à contrôler la nature tout en sachant que cela est impossible et nous sommes aussi conscients des forces entropiques et des trous noirs qui nous entourent et dont on ne peut s’échapper.


33 36 rue de Seine
75006 Paris – FR
+33(0)1 46 34 61 07
info@galerie-vallois.com


NY Fleiss-Vallois
1018 Madison avenue
NYC, NY 10075 – USA
(646) 476 5885
info@fleiss-vallois.com