Virginie Yassef

17.01.2014
Virginie Yassef — Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois

Virginie Yassef © Galerie Vallois

Le visiteur retrouve dès l’entrée de ton exposition à la galerie les Scénarios Fantômes, ces assemblages de photographies accompagnent et ponctuent depuis 2007 toutes tes interventions. Qu’ont-elles de « fantomatique» ?

Les Scénarios Fantômes sont de petites photographies de 6 par 9 centimètres assemblées les unes avec les autres et les unes par rapport aux autres par deux, trois ou quatre pour définir un scénario, un scénario « fantôme » car il n’y a pas d’histoire écrite.
C’est une manière pour moi de raconter des histoires sans les écrire, avec des images.
En fait les scénarios fantômes stimulent le reste des projets, donnent des indications ou des pistes. Au départ je prenais des photos pour des repérages de matériaux, de formes et je ne les développais pas systématiquement. Ma toute première photo est un gros gyrophare de police devenu par la suite un Scénario Fantôme. Toutes ces photos de déplacements, de promenades, sans vocation particulière, sont rangées dans un gros classeur qui me sers régulièrement de base de données. Ces photographies sont des « agents dormants » susceptibles d’être réactivés à tout moment.

L’exposition présente un arbre « mort-vivant » présenté rue des Cascades dans le 20ème à Paris lors de la dernière Nuit Blanche, cinq pierres en conversation, deux autres avec des yeux servant de masques pour des enfants, une grande roue en plumes de paons. Comment qualifierais-tu l’univers dont ces œuvres sont issues ?

Si certaines œuvres plus anciennes évoquent un univers de science-fiction, pour l’exposition je me suis déplacée vers une nature que je voulais la plus étrange possible. Je savais que l’arbre (« L’objet du doute ») pouvait créer de la surprise, faire sursauter et même faire un peu peur, par contre je n’avais pas imaginé le caractère comique du dialogue entre les pierres!
En 1999, dans un avion pour Paris, on m’a donné un petit magazine dans lequel j’ai repéré une fausse pierre qui servait de haut-parleur. On pourrait dire que le projet a débuté à ce moment précis. J’ai réuni pour l’installation dans la galerie Au milieu du Crétacé quatre fausses pierres et une fausse bûche : cinq personnages qui discutent entre eux. Leur conversation part d’informations réelles, scientifiques ; un des personnages ne parle que par onomatopées (brésiliennes plus précisément), avec des bruits de jungle en entracte ; l’effet s’apparente presque à celui d’un dessin animé. Ce projet, je l’ai aussi pensé comme un spectacle, avec des acteurs, des personnages, un dialogue, un décor …

Tu te rapproches d’ailleurs de plus en plus de l’univers du spectacle, à la fois dans tes œuvres qui peuvent en constituer le décor, mais aussi par les intervenants, souvent des enfants ou des animaux que l’on a vus aussi dans certaines de tes vidéos.

J’ai déjà quatre expériences de spectacles : à la Gaité Lyrique dans le cadre d’une commande d’un spectacle pour enfant (Ils traversent les pistes sur des morceaux de tissu pour ne pas laisser de traces), puis à La Galerie de Noisy-le-Sec (On n’a jamais vu de chien faire, de propos délibéré, l’échange d’un os avec un autre chien (1e partie)) où j’avais réuni tous les éléments possibles du spectacle dans le cadre d’une exposition, ce spectacle/installation a eu une suite à La Ferme du Buisson à Noisiel (On n’a jamais vu de chien faire, de propos délibéré, l’échange d’un os avec un autre chien (2e partie)). A Noisy-le-Sec, l’intervention d’un enfant a été poursuivie et transformée par un chien à Noisiel. Ma dernière expérience récente est celle des Buttes Chaumont (Les recherches d’un chien), où les masques de pierre et bûche présents dans l’exposition à la galerie furent portés par des enfants déambulant dans le parc pour aller à la rencontre d’un chien.
L’enfant est un véhicule « naturel » pour moi. Sa spontanéité correspond idéalement à ce que je recherche, tout comme l’émerveillement par le biais de la surprise, l’animation des objets : j’adore inquiéter, mettre légèrement en danger, « éveiller » …

Tout élément de la réalité peut être un médium que tu transformerais un peu comme par magie …

Tout ce que je vis quotidiennement, lire le journal, regarder des films, prendre un avion, tout est susceptible d’être incorporé dans mon travail après une sorte de mutation, de transformation. Il s’agit de sortir les choses de leur contexte pour qu’elles soient légèrement décalées et ensuite les modifier un tout petit peu. Identifier le potentiel « extraordinaire », essayer d’opérer « par magie » sur une réalité.
Je suis facilement fascinée, émerveillée et, avec le temps, j’observe avec de plus en plus d’acuité ce que je pourrais capturer. C’est une pratique de vie quotidienne : quand les choses me semblent assez étranges, je sais alors qu’elles vont revenir comme des « fantômes ».
Ce qui m’importe est d’arriver à modifier la réalité pour la rendre insaisissable et surtout merveilleuse tout en étant moi-même insaisissable, je cherche constamment à me surprendre !


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