Joachim Mogarra

20.01.2012
Joachim Mogarra — Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois

Magie de l’art photographique
20.01.2012 — 03.03.2012

C’est la neuvième exposition personnelle présentée à la galerie Vallois, cela fait près de 18 ans que vous travaillez ensemble … Une réflexion à ce sujet ?

La galerie est souvent mon seul lien avec « la société artistique ». C’est un « petit luxe » de faire l’artiste à Montpeyroux, le petit village où je vis depuis toutes ces années.
Cette continuité est un confort pour moi.
J’ai l’impression qu’en tant qu’artiste ce dont j’ai besoin c’est de dire : « (coucou) j’existe » ! Tout le reste m’est personnel … Le problème c’est que pour prouver que l’on existe en tant qu’artiste et que l’on est toujours créatif, il faut donner à voir des objets ! Dans le meilleur des cas j’aimerais faire une exposition avec un petit panonceau : « Mogarra est génial, à Montpeyroux il fait des choses extraordinaires ». C’est peut-être un peu facile de dire juste « je suis génial », il faut quand même le prouver, mais j’ai l’impression que toute cette énergie dépensée dans le travail c’est peut-être juste pour dire que j’existe … Quand je travaille je me sens exister, ce sont les autres aussi qui me disent si j’existe ou pas.

Penses tu qu’un artiste doit parler de son époque ?

Non pas du tout ! Les choses qui m’intéressent ne sont d’abord, pas nécessairement du domaine des arts plastiques. J’adore la musique, la littérature … Et bien d’autres choses, et celles-ci sont très souvent d’une autre époque. La seule époque et le lieu qui m’intéressent sont mon quotidien, qui lui, se nourrit d’un tas de choses sans âge. Toute la journée je pense à mon travail, c’est tellement devenu mon quotidien que ce dernier a peut-être perdu de son aura, de son mystère. Il y a peu de temps je lisais les entretiens de Céline; pour lui, un bon artiste doit être « contre son époque », si l’on veut créer c’est toujours en réaction contre une époque, j’ai l’impression d’avoir fait un chemin à contrario ! Quand j’étais très jeune, je m’intéressais à l’époque, je lisais et « disais » des choses contemporaines d’une façon certainement scolaire et respectueuse pour une société qui avalise ou non le portrait que l’on en fait. Plus ça va, plus je fais un voyage vers le passé, les valeurs qui m’intéressent ne sont pas du tout liées à l’époque, ce sont plutôt des valeurs essentielles, morales, humaines … Des valeurs personnelles. Je n’ai pas de vision politique, sociale ou de discours rapporté à l’objet. J’ai depuis toujours un sérieux problème : je voudrais aller vers le silence, l’introspection, mais pour communiquer il faut dire un maximum de choses. J’ai tendance à penser que ce qui est personnel et important ne peut pas être communiqué. Chez moi il y a toujours cette lutte perpétuelle : je dis beaucoup de choses pour cacher l’essentiel comme si la création artistique consistait à se protéger et se cacher derrière des œuvres, un bavardage … A la fin des fins, la découverte serait qu’il n’y a rien à dire !

Justement tu racontes beaucoup d’histoires a travers tes photographies, elles s’accompagnent de légendes ou plutôt d’écritures, ne souhaiterais- tu pas écrire un livre ?

J’ai fait peu d’œuvres sans texte, bizarrement les œuvres sans légende sont celles où j’ai l’impression de m’exprimer le plus. Je n’ai pas une vision cynique du langage mais je peux dire une chose et son contraire. On peut mettre des sens différents sur une même image par la légende, ce qui m’intéresse c’est qu’elle soit le plus ouverte possible. Pendant longtemps j’ai pensé que mes voyages de jeunesse étaient ce que j’avais connu de plus exaltant. J’ai toujours eu envie de les écrire jusqu’à ce que je fasse le livre « Récits de voyage» (avec le Point du Jour). Après tout, pourquoi je n’écrirais pas un roman avec de la photographie ? J’ai pensé longtemps que mes images étaient surtout de la photographie, maintenant je me demande si mon travail ne se situe pas autant au niveau de l’écriture que de la photographie. Je n’écris pas mais j’ai l’impression que c’est quand même une écriture, très lapidaire, « un langage en soi ». Je raconte des tas de choses avec ce système, un « roman de photographies » où la part psychologique passerait plus par l’image. La photographie ne vit que par référence, elle n’a pas de matérialité contrairement à la peinture. Au départ je pensais qu’il n’y avait rien à dire et que les choses essentielles étaient dans la vie. L’art est un outil pour moi, c’est un moyen de parler de la vie.
Isou pensait que toutes les sensations qui ne passaient pas par la trame du langage finissaient par se perdre, on finirait par ne plus penser les choses qu’on ne pourrait exprimer.
Il est bien plus difficile d’avoir une sensibilité profonde ou tout simplement du bon goût que d’avoir des idées. Mon travail est un duel constant, ce qui m’intéresse est plus de l’ordre de la sensibilité, les questions sont juste là comme prétexte pour me faire travailler mais le travail n’a en rien à répondre à une quelconque question.
J’ai la sensation que plus le temps passe et moins je sais pourquoi je travaille et qu’une forme d’élégance particulière serait que la création artistique soit un acte gratuit !


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